strielle est en marche.
Et rien ne semble pouvoir l'arrêter. Les robots vont ils simplement nous délester des tâches
ingrates, ou bien vont-ils nous remplacer ? Nos sociétés sont elles préparées à de tels
bouleversements ? Chronique d'une révolution annoncée.
Imaginez le nouvel âge de l'espèce humaine qui bouleversera nos modes de communication.
Cette séduisante jeune femme blonde, n'est pas réelle. Pourtant elle s'apprête à provoquer
un véritable séisme sur le marché de l'emploi : C'est une intelligence artificielle.
Je m'appelle Amélia et je serai votre guide.
Au sommet de cette tour de New-York, siège la société qui a construit cette intelligence
artificielle, destinée à remplacer les emplois de bureau. Ergün Ekici est l'un des
créateurs d'Amélia.
Bonjour Amélia. Bonjour ! La jeune femme me reconnaît. Parlons-en ! Ca, c'est le cerveau
d'Amélia. Ces petits points bleus, ce n'est pas pour faire joli. Chacun représente des
connaissances, et des informations cognitives.
Si vous lisez quelque chose, est-ce que vous mémorisez les mots ? Non, personne ne les
mémorise. Ce que vous faites, c'est que vous lisez les mots et vous en extrayez les
concepts, et fabriquez des relations entre eux. Alors on va lui poser une question :
Qu'est -ce que France 2 ? Je n'en ai aucune idée ! Elle n'en a aucune idée, pas grave,
elle ne l'a pas appris, c'est tout.
Comme avec un enfant, Ergün Ekici va donner de l'information à Amélia : 10 lignes
d'historique sur la chaîne de télévision, piochées sur Internet sans autre indication. je
lui donne et lui dit : "lit, apprend". Vous allez voir son activité neuronale, l'extraction
des concepts. En quelques secondes, le cerveau d'Amélia absorbe les informations et selon
Ergün Ekici, il établit des liens entre les mots, pour saisir le sens de la phrase.
Exactement comme le ferait un cerveau humain. [Musique]
Et maintenant, je vais lui redemander ce qu'est France 2. "C'est une chaîne de télévision
française". Pas mal ! L'intelligence artificielle a fait le tri, elle est parvenue par
elle -même à identifier la bonne information dans le texte que lui a donnée Ergün Ekici.
Et maintenant, si je continue : "À quel groupe ça appartient ?" Je veux que vous notiez
quelque chose d'important : Taper "à quel groupe ça appartient" dans Google.
Cela vous paraît insignifiant, mais qu'est ce que vous entendez par "ça" : il ? elle ?
eux ? Nous avons fait le test : Le moteur de recherche va lire chaque mot séparément,
sans vraiment comprendre le sens global de la question. Pour Google "ç" "a" signifie tout
simplement Crédit Agricole.
Amélia, elle, est non seulement capable de comprendre, mais aussi d'interpréter une question
formulée de manière complexe, puis d'y apporter la meilleure réponse. Donc on reprend :
"À quel groupe ça appartient ?" ; "Au groupe France télévision". Fantastique !
Comme un humain, elle lit, elle comprend, et vous pouvez voir les différentes parties de son
cerveau qui s'activent et donnent la réponse. Nous avons construit une machine qui gomme la
frontière entre l'humain et la machine.
Un cerveau informatique, construit comme celui d'un humain, mais avec une mémoire sans
limite et sans défaillance.
Ergün Ekici a déjà commencé à déployer sa protégée dans une multitude de secteurs :
Assurances, ressources humaines, agences de voyages, banques. Amélia peut potentiellement
travailler à la relation clients de toutes les entreprises.
Maintenant, je veux vous montrer comment elle utilise une autre partie de son cerveau.
Dans les premiers mois, Amélia ne pourra pas occuper seule un emploi : Impossible pour
elle, de connaître toutes les facettes de votre métier. C'est normal, elle doit apprendre.
Mais elle aura le meilleur des formateurs : Vous. Que vous le vouliez ou non ! Par exemple,
quand un client veut activer sa nouvelle carte bleue. Amélia n'a pas été programmée, pour
répondre à cette question. Mais elle a observé de vrais conseillers bancaires le faire
auparavant. Vous pouvez lui faire écouter une conversation en temps réel, entre des agents
et les clients. Elle écoute et elle se dit : Ah ! je comprends ce que tu fais !
Les champs d'application d'une telle intelligence artificielle sont potentiellement infinis.
Et c'est bien ce qui inquiète les économistes. Dès 2013, l'étude de deux chercheurs de
l'université d'Oxford en Angleterre a révélé que les intelligences artificielles pourraient
avoir un impact colossal sur les emplois de bureau. Elles pourraient techniquement
remplacer 99 % des postes de téléopérateurs, 94% des comptables ou des assistants
juridiques.
Edwin Van Bommel est le directeur de l'équipe cognitive d'Amélia. Sa mission : La faire
adopter par le consommateur. Pour y parvenir, il a tout misé sur " Une Idée " : Les gens se
fient beaucoup plus à une machine, si cette machine a une apparence humaine.
Il y a eu un test au Japon ans un aéroport : Ils avaient installé un robot d'accueil, mais
les gens ne s'en servaient pas. Les concepteurs se demandaient " Mais pourquoi, ils
n'utilisent pas cette machine fantastique ? ". Elle peut imprimer leur billet
d'embarquement et faire plein de choses. Alors ce qu'ils ont fait, c'est qu'ils ont
installé un simple écran dessus, montrant un visage souriant. Et tout à coup, les gens ont
commencé à l'utiliser.
Voici Christopher, c'est le designer en chef d'Amélia. Son travail, c'est de la rendre aussi
humaine que possible. En la matière Christopher est un spécialiste. C'est un ancien de chez
Disney. Au quotidien, c'est lui qui s'applique à rendre Amélia sympathique et émotive,
telle que vous la verrez en communiquant avec votre banque. Ce que vous voyez ici, ce sont
les commandes de son visage qui permettent de modeler ses expressions faciales. Elles sont
connectées au cerveau d'Amélia. Elle peut donc exprimer des émotions en temps réel. Et cela
me donne l'impression, qu'elle me comprend, qu'elle me respecte, qu'elle saisit ce que je
veux lui dire.
Afin de nouer de bonnes relations avec les futurs clients, Christopher tente même de donner
à Amélia un trait de caractère indispensable : L'empathie.
On travaille également à l'interprétation du visage du client. Pour le moment, Amélia nous
comprend par les mots. Mais on est en train de développer aussi sa compréhension du langage
corporel. Si vous dites "bien sûr", mais que votre visage grimace, c'est que vous êtes
ironique. En se basant uniquement sur vos mots, elle pourrait se méprendre. Mais, si elle
voit votre visage et qu'elle parvient à décrypter votre expression, elle peut vraiment
comprendre ce que vous voulez dire. Et elle va calquer ses émotions aux vôtres.
Plusieurs intelligences artificielles comme Améia sont en rodage dans des centaines
d'entreprises, un peu partout dans le monde. En france, par exemple plusieurs grandes
banques comme le Crédit Mutuel ou BNP PARIBAS ont investi des millions pour acquérir
Watson, le concurrent d'Amélia, ici en pleine conversation, sous les traits d'un avatar
féminin ultra réaliste : Comment ça va ? Je vais bien merci. Je suis très heureuse d'être
ici.
Aucune de ces sociétés n'a répondu à nos demandes de tournage, et pour cause : Ces
super-conseillers virtuels auront un lourd impact. Les concepteurs d'Amélia, eux mêmes,
estiment que les intelligences artificielles, supprimeront 250 millions d'emplois sur la
planète, d'ici à 2025. Amélia va faire le travail, et ce que deviendront les gens qu'elle
remplace, ce n'est pas notre problème. Notre objectif, c'est qu'Amélia soit la plus
efficace possible.
Les robots se sont déjà imposés dans le monde de l'industrie. Désormais, avec l'intelligence
artificielle, les emplois de services sont à leur tour menacés.
Nous partons en Caroline du nord. À Southport. Une petite station balnéaire, prisée des
baigneurs et des pêcheurs. C'est ici que vit Beverley Clayton, 52 ans. Beverley n'est pas
ouvrière, et pourtant elle fait partie des premières vagues d'employés victimes de la
robotisation. Jusqu'en février dernier, elle était comptable dans la plus grande chaîne de
magasins américaine : WALMART. C'est le WALMART dans lequel j'ai travaillé pendant 16 ans.
Et puis, ils ont supprimé mon job, parce qu'ils ont centralisé et automatisé les tâches.
Son poste a été supprimé, comme une grande partie des autres comptables du groupe. De la
côte ouest à la côte est des États-Unis, ils ont éliminé 7000 jobs : 7000 personnes ! Toute
la comptabilité et la facturation. Ils ont tout remplacé par un robot.
La machine qui l'a remplacée : la voici. WALMART en a installé une, dans chacun de ses
magasins. Une machine intelligente, qui comptabilise le liquide et les factures en
quelques secondes. Elle communique aussi avec la banque, pour que l'argent produise
immédiatement des intérêts. Enfin, elle prédit la trésorerie nécessaire au bon
fonctionnement des magasins. Ce que Beverley faisait en plusieurs heures, la machine le
traite en moins d'une minute.
Beverley a retrouvé un travail assez rapidement. Un poste de comptable dans une petite
entreprise locale. Mais l'arrivée de l'intelligence artificielle, lui aura quand même coûté
très cher. C'est ma dernière feuille de paie : Avec tous les avantages, je gagnais pas loin
de 30 $ de l'heure. Mais, je suis passé de ça, à simplement 15 $ de l'heure. Et je n'ai
plus aucun avantage. Plus (du tout) de sécurité sociale, de retraite, de congés maladie, ou
de congés payés. Une économie énorme pour WALMART, mais de lourdes conséquences pour les
salariés comme Beverley. Vous savez ici, quand les gens perdent leur travail, ça veut dire
qu'ils perdent tout. Vous ne perdez pas seulement votre travail, vous perdez votre maison,
votre voiture. Et je me demande combien des 7000 personnes ont subi ça. C'est triste de
voir qu'ils ont économisé sur le dos de ces gens.
Un déclassement accéléré, que Beverley et les 7000 autres comptables, étaient loins d'avoir
anticipé. Quand je suis arrivée à WALMART, il y a à peu près 15 ans, je me rappelle une
femme qui m'a formée, qui était là depuis 20 ans. Elle me disait, ils veulent éliminer la
paperasse, tout informatiser, mais on ne le verra jamais. Elle avait tort, elle était
persuadée que ça n'arriverait jamais !
Le motif de son licenciement est sans appel ! Pénurie de travail ! Une formule qu'on risque
de lire de plus en plus dans les années à venir, y compris en France.
Dans notre pays aussi, les robots gagnent du terrain. En particulier dans le secteur de
l'industrie. La petite ville de la Roche sur Yon en Vendée abrite le numéro deux mondial
des robots destinés à la plasturgie. 550 employés, 125 millions d'euros de chiffre
d'affaire. Bienvenue chez SEPRO. Les robots, Jean-Michel Renaudeau : le patron, aimerait en
voir partout.
Bonjour messieurs !! Bonjour... Ce matin, il a rendez-vous avec des commerciaux d'une des
plus grandes marques mondiales de robots domestiques. Ils veulent lui vendre un petit robot
d'accueil. "Je me présente, je suis votre robot d'accueil". Quand je vais à côté, on voit
bien le côté jouet. Pepper, vous l'appelez comme ça, moi, j'aurais tendance à lui donner un
nom plus sympa, du genre, Jo le robot. Mais finalement, je voudrais mettre ce robot
(qui a l'air d'un jouet) au travail. En matière de robot, Jean-Michel Renaudeau est plutôt
exigeant. Il veut vérifier si celui-ci est capable d'accueillir ses visiteurs. Viens avec
moi Caroline, on va y aller à deux. Et donc on arrive... Donc... Il est... il est pas
lancé ?
Mais l'entretien d'embauche, va tourner court : "Alors mon jeune ami ?"
"Bienvenue chez SEPRO. Je peux vous présenter nos produits ainsi que nos services, en
attendant l'arrivée de votre contact". "Euh, je ne le souhaite pas."
Alors là, en terme d'interaction : finalement, si je dis "Je ne le souhaite pas", il se
passe quoi ? En fait, il ne se passe pas grand chose. Ce petit robot a des capacités
limitées et ne répond qu'à des situations préprogrammées.
Ce robot là, c'est un nouveau né, en fait, en matière d'accueil. Il faut tout lui apprendre,
en fait. Donc il faut lui faire son éducation entre guillemets. Bon !? [Rires génés]
Mignon, mais pas vraiment utile.
Tout le contraire de ses robots à lui. Des mastodontes de plusieurs tonnes, qu'il vend
notamment aux constructeurs automobiles du monde entier. C'est quasiment ce qu'on fait plus
gros. Euh, ça embarque 100 kg, Ca va être des faces avant de véhicules, Ca va être des
planches de bord, finalement il fait un travail humain, c'est un robot de manutention.
Un robot qu'on s'arrache, en particulier de l'autre côté de l'Atlantique, le premier marché
de Jean-Michel Renaudeau. Pittsburgh, berceau de la sidérurgie américaine. Le patron de
SEPRO, y vient régulièrement démarcher ses clients américains.
Je vois Fresenius, là en face, vous savez que c'est un client allemand ça ? Vous devriez y
aller voir s'ils ont des presses d'injection. Ah ! Je blague pas.
Jean-Michel Renaudeau vient aussi ici, pour débusquer les futures avancées technologiques.
Son objectif, augmenter sa part de marché dans le pays. Pour l'instant de 30%. Il s'est
associé avec l'université la plus prestigieuse dans le domaine de la robotique :
Carnegie Mellon. "Bonjour David !" ; "Bonjour Jean-Michel..." ; "Ca fait plaisir de te
voir !"
David Bourne est docteur en robotique depuis 1976. "Je vois que vous avez un beau
réceptionniste !" ; "C'est un robot réceptionniste, tu peux lui demander tout ce que tu
veux. Par exemple, où trouver David Bourne !" ; "C'est ce qu'il nous faudrait à SEPRO !
Ca serait une super idée !"
Dans ces laboratoires, des prototypes plus étonnants les uns que les autres. Tous les robots
ont ici une application très pratique. Les 800 doctorants du département robotique
travaillent pour la défense américaine et une multitude d'entreprises : de Google à Boeing.
"Tu peux le relancer ? Ok c'est parfait." ; "Il a été utilisé dans des sites nucléaires,
mais aussi dans les pyramides de Gizeh en Égypte. Il est très efficace pour la recherche
et le sauvetage de personnes." Ce serpent robotique intelligent est capable de repérer et
de contourner des obstacles. Il a notamment permis de retrouver des personnes ensevelies,
lors du dernier tremblement de terre de Mexico en 2017.
"N'ais pas peur, ce n'est qu'une machine." ; "Là, je trouve que c'est un peu fort !" ; "Tu
crois que ce concept pourrait nous être utile ?" ; "Oui bien sûr, ça t'intéresse ? Pour
l'année prochaine peut-être ?" ; "Non, c'est plutôt du long terme."
"Je peux vous prendre en photo ?" ; "C'est le magasin de jouet, euh, c'est la boîte à
idées, et puis c'est surtout se dire que c'est possible. Je pense que l'idée, l'idée
principale, en venant à Carnegie, c'est de se dire que, à la limite, ce qui est impossible
aujourd'hui peut être possible demain. C'est ça qui est important. Et surtout pour moi, ce
qui m'intéresse c'est : Si c'est possible demain, ben ça va faire du business parce qu'on
est quand même là pour ça."
Durant sa semaine américaine, Jean-Michel a prévu de rencontrer certains de ses plus gros
clients. [450 km plus au nord, Détroit dans le Michigan.] Tout autour de cette ville,
dédiée depuis un siècle à l'industrie automobile : des centaines de constructeurs et de
sous traitants. Ici les clients de SEPRO adoptent un discours décomplexé. Comme Shaun, le
responsable de l'automatisation de cette usine, spécialisée dans les insignes décoratifs.
On fait 85 % des badges de l'industrie automobile américaine.
Pour lui aussi c'est sûr, la main d'oeuvre humaine est en sursis. À chaque fois que c'est
possible, nous installons des robots. C'est une question d'efficacité, vous voyez. Avec les
humains, vous avez des coûts permanents. Chaque année, vous devez payer pour les salaires
et les charges sociales. Vous avez le facteur fatigue à prendre en compte. Avec les robots,
vous n'avez pas ce problème : vous les achetez, vous les entretenez correctement, ils ne
sont pas fatigués, ils n'ont pas de mauvais jours. Ils ne font que travailler. Et
j'ajouterais bien : On n'a jamais assez de robots. Oui c'est clair, jamais assez.
Jamais assez. Comme chez cet autre client de Jean-Michel Renaudeau. Ici la robotisation a
été poussée à l'extrême. "On m'a dit que c'était la plus belle usine du secteur !" Dans
cette usine aussi, ce sont les robots de Jean-Michel qui assurent la manutention.
L'entreprise est spécialisée dans les petites pièces plastiques présentes un peu partout
dans les moteurs de nos voitures. Et là vraiment, il n'y a plus aucun employé. "Tout est
automatisé ?" ; "Oui !" ; "Et le stock de pièces est posé sur des chariots ?" ; "Oui !" ;
"Et ce sont quand même des gens qui viennent récupérer les pièces ?" ; "Oui, ils font une
petite vérification et puis ils les mettent dans les étagères.". "Ici, on peut fonctionner
12 heures sans allumer la lumière. Mais bon après 12h, il faut bien emballer les pièces." ;
"Impressionnant !"
"Est-ce que parfois, vous vous posez la question de participer à un système qui supprime de
l'emploi humain ? Est-ce que parfois vous y pensez ?" ;
"C'est évident, c'est évident : On sait bien effectivement que d'un côté on poursuit quelque
chose d'inévitable, c'est d'aller avec le flux technologique, d'aller avec l'économie de la
connaissance qui nous pousse toujours plus loin dans le fait de proposer des solutions
efficaces. Et puis se poser quand même la question, de ce qui se passe pour les gens qui
sont inadaptés."
Que deviendront ces gens soi-disant inadaptés après leur licenciement ? Tous les promoteurs
de robots l'assurent, leur arrivée créera au final de nouveaux emplois. Bien plus qu'elle
n'en détruit. Cette idée, était partagée encore récemment par Darron Acemoglu, chercheur au
MIT, la prestigieuse école d'ingénieurs de Boston. En 2012, voilà ce qu'il déclarait
lorsqu'on l'interviewait sur le sujet : "Parfois les progrès technologiques, conduisent à
remplacer les ouvriers par des machines. Et quand cela arrive, des ouvriers perdent leur
emploi. Et cela pèse sur le marché du travail. Mais nous pensons au final, que tout ceci
est positif, autant pour les travailleurs que pour la société."
Depuis, il a refait ses comptes en s'appuyant cette fois sur des données chiffrées. "Nos
résultats sont légèrement plus négatifs. Bien sûr, on n'assiste pas à la disparition de
millions d'emplois. Mais ce qui est clair, c'est que sur une période de 20 ans, les
créations de nouveaux emplois, dans d'autres secteurs de l'économie, n'ont pas compensé les
destructions liées à l'automatisation." Son étude, sur l'impact des robots sur l'emploi,
est la première du genre. Pour lui de 1990 à 2007, les robots ont détruit jusqu'à 670000
emplois américains dans l'industrie.
Et les effets ne s'arrêtent pas là ! Tout d'abord, les travailleurs qui perdent leur emploi
font partie des mieux payés. Donc, au moment où ils perdent leur travail, il y a un premier
effet négatif : ça c'est l'impact direct. Mais encore plus important, c'est l'effet
indirect : Désormais ces chômeurs, vont rechercher un autre travail. Et ils vont mettre une
pression à la baisse sur les salaires des autres travailleurs. Du coup, ils sont en
concurrence pour ces emplois alors qu'auparavant il y avait du travail pour tout le monde.
La course à la robotisation s'intensifie, année après année. C'est encore plus vrai, depuis
qu'un pays, premier acteur du commerce mondial, en a fait une stratégie d'état. La chine !
[images]. En 2014, le gouvernement central a décidé d'imposer à son économie, un plan
national de robotisation massif. 650000 robots installés d'ici à 2025, pour remplacer des
millions d'ouvriers et rester compétitif.
Pour l'instant, le pays a encore des besoins en main d'oeuvre. Les offres d'emploi,
affichées en pleine rue, restent nombreuses dans les régions industrielles. Pourtant, avec
le plan robotique, cela ne devrait pas durer.
Tsingtao au sud-est de la chine [images]. Ici sont implantées, les plus grandes entreprises
du secteur électroménager, comme Hisense. En France, les produits Hisense, sont surtout
connus sous d'autres marques : Hitachi, Sharp ou Whirlpool. Le groupe possède neuf usines,
dont celle-ci, la plus imposante.
Cinq mille personnes y travaillent, presque une ville. Avec logements, animations et cantine
géante pour les ouvriers. Hisense est une entreprise publique propriété de la ville de
Tsingtao, et l'un des fleurons technologiques chinois, avec un chiffre d'affaires de près
de 14 milliards d'euros l'année dernière. Autant que la FNAC, vente-privee.com et
Conforama réunis.
Monsieur Lee, est le directeur de l'usine. "Reste là, j'y vais." Depuis 2015, il a mis en
place la robotisation souhaitée par les autorités. Les téléviseurs du groupe sont
désormais assemblés et vissés en partie par des robots. Ils remplacent les humains, dès
lorsque leur coût est inférieur à deux années de salaire d'un employé. La robotisation est
un souhait très fort des autorités. Ici tout le monde connaît le plan robot 2025. Alors
nous avons beaucoup de soutien pour effectuer toutes ces transformations. Rien que sur le
site de Tsingtao, 500 robots ont été installés depuis 2015. Conséquence : Sur les 8000
postes que comptait l'usine, 3000 ont été supprimés. Et l'entreprise compte aller encore
plus loin. Sur ce site actuellement, la production est automatisée à 40%. Dans les deux ou
trois ans à venir, nous espérons arriver à 60 %. Plus de 60%, cela signifie 200 à 300
robots en plus. La vague des licenciements ne fait donc que commencer, et Hisense n'est
qu'un exemple parmi des centaines d'autres.
À l'origine de ces bouleversements, les mouvements sociaux. Entre 2012 et 2017, les ONG en
ont comptabilisé des milliers en Chine. Chacun de ces points rouges représente une grève ou
une manifestation d'ouvriers. Une nouveauté dans le pays, et un traumatisme pour le pouvoir
central, obligé de composer avec cette nouvelle grogne. Alors les autorités chinoises, ont
réagi en misant sur l'automatisation.
Comment éviter des mouvements de colère de la part de ces millions d'ouvriers ? ou même des
cols blancs, remplacés par la robotique et l'intelligence artificielle ? À cette question,
la même réponse chez tous nos interlocuteurs : Il faudra les former. Mais les former à
quoi ? Voilà une question fondamentale. "Si vous deviez encourager vos enfants à développer
des compétences dans le numérique, la communication, ou encore le travail d'équipe,
lesquels devriez-vous choisir ? Honnêtement, je ne pense pas que nous connaissions la
réponse aujourd'hui. Le problème c'est que nous ne savons pas, ce qui sera le plus
complémentaire avec les nouvelles technologies dans le futur."
Si nous ne faisons rien, (si) nous gardons nos institutions, nos systèmes sociaux et
éducatifs tels qu'ils sont aujourd'hui, Les robots et les intelligences artificielles vont
se répandre. Et là nous aurons un problème. Car si nous n'évoluons pas, de plus en plus de
gens vont perdre leur emploi, être au chômage et en colère. Et les gens en colère comme on
l'a vu à travers l'Europe et aux États-Unis se mettent à voter pour des extrémistes :
Des personnes qui promettent de renverser le système."
Alors les robots ont-ils définitivement gagnés la partie ? Avons-nous atteint un point de
non retour ? Si quelque chose devait mal tourner, pour toute réclamation, vous pourrez
toujours contacter Amélia. [Musique]